SÉMINAIRE “A sociological analysis of the demand for social skills” (A. Prieur)

Le 18 janvier 2021, nous avons eu le plaisir d’accueillir Annick Prieur (Professor, Department of Sociology and Social Work, The Faculty of Social Sciences – Aalborg university, Head of Research Centre CASTOR- Centre for analysis of structural transformations and new orientations) pour le premier séminaire de l’année 2021.

La vidéo de son intervention ainsi que la discussion basée sur les questions des doctorant.e.s du projet est disponible ci-contre.

COMPTE-RENDU DU SÉMINAIRE

Lundi dix-huit janvier, pour le troisième séminaire du projet de recherche ERC – CoachingRituals, nous avons eu le plaisir de recevoir virtuellement Annick Prieur, professeure à l’université d’Aalborg (Danemark) et directrice du centre CASTOR, pour une intervention portant sur les « social skills », ces compétences sociales qui ont acquis une importance majeure dans nos sociétés néolibérales et en particulier au Danemark.

Dans un premier temps, Annick Prieur est revenue sur l’évolution de « social skills » et leur implantation au Danemark comme réponse à une attente néolibérale de responsabilisation de l’individu. L’État danois se montre préoccupé par le bon développement de ces compétences sociales au sein de la nation ; aptitudes qui seraient gage d’un taux d’employabilité sain et d’un marché économique compétitif. Ces différentes compétences, caractéristiques de l’individu moderne idéal, se voient enseignées dès le plus jeune âge. Annick Prieur questionne alors l’importance morale de ces « social skills », représentées dans la société danoise comme des aptitudes qui ne peuvent être que positives pour les individus. Or, la sociologue fait le constat, à travers le développement et la valorisation morale de ces « dispositifs sociaux », d’une injonction à se conduire soi-même, qui implique la responsabilité de l’individu dans la recherche d’une connaissance de soi ainsi que l’expression et la gestion des émotions.

Dans un deuxième temps, Annick Prieur a développé une réflexion à partir de son article « Lacking social skills : A social investment state’s concern for marginalized citizens’ ways of being », sur l’envers des « social skills » par le prisme d’une analyse en termes de classes sociales. Selon notre invitée, ces compétences sociales peuvent être conceptualisées comme une forme de capital qui confère aux individus une légitimité économique, sociale et symbolique. À partir des interviews menées avec les travailleurs sociaux, la différence de classe est abordée sous l’angle du déficit, du manque, que ces derniers doivent tenter de combler afin de préparer des jeunes individus dits « plus vulnérables » au marché du travail. Les travailleurs sociaux vont aider les individus à travers des séances de coaching (personnelles et en groupe) à développer leurs facultés communicationnelles, leur estime de soi mais également à atteindre leurs objectifs. Des compétences pratiques liées aux tâches quotidiennes comme la gestion du temps, de la maison et de leur santé sont également des points essentiels au sein du programme d’aide. L’élaboration de ce type de programme laisse entrevoir, pour la sociologue danoise, un pouvoir étatique qui se veut généreux dans ce processus d’acquisition des « social skills » mais intrusif dans la méthode et imprégné d’un jugement de classe.

Annick Prieur propose ainsi une analyse des « social skills » en tant que norme néolibérale ouvrant la porte du marché de l’emploi. Ce regard sociologique sur ces compétences primordiales à la réussite sociale moderne laisse entrevoir plus les caractéristiques particulières de ces « social skills » et le rôle qu’elles jouent dans la stratification sociale.

À la suite de la présentation, deux doctorants du projet CoachingRituals ont adressé différentes questions à Annick Prieur, ouvrant ainsi le temps de la discussion. Solène Mignon se demande, tout d’abord, quel est le rôle des neurosciences par rapport aux « social skills ». Elle propose brièvement une comparaison avec la France où les neurosciences permettent d’expliquer le fonctionnement des comportements des enfants grâce au cerveau et légitiment certaines méthodes de parentalité. Ensuite, elle oriente la discussion vers la thématique du genre et pose la question des liens possibles entre les « social skills » et le genre. Gaspard Wiseur, quant à lui, ouvre une réflexion sur le caractère moral des « social skills » et la présence de celui-ci au sein même de l’univers scientifique. Se pose alors la question de la réflexivité scientifique vis-à-vis de ces aptitudes dotées d’une force morale positive : comment ce concept ne s’est-il vu opposer aucune résistance dans le champ scientifique ? Dans la même logique de pensée, le doctorant interroge l’acceptation et l’intégration profonde de ces compétences sociales à la fois par les travailleurs sociaux et les jeunes individus dits « vulnérables » : n’existe-t-il aucune opposition face à ces « social skills » et aux dispositifs qui les accompagnent ? Finalement, que se passe-t-il lorsque le déficit n’a pu être comblé ?